Daisy ✿ Don't get me wrong

01 | Depuis qu’elle est gamine, Daisy sait qu’elle veut être vétérinaire, après avoir recueilli à chiot, qu’elle n’a malheureusement pas pu garder à la maison. Néanmoins, voir le vétérinaire prendre soin de la pauvre bête blessée a été suffisant pour lui donner le déclic. Elle comprit rapidement qu’elle devrait avoir des notes irréprochables pour atteindre ce but et avoir une bourse un jour, car ses parents n’auraient pas eu les moyens ne payer ses études. 02 | Daisy fume. En cachette, parce qu’il lui est inconcevable que ses enfants l’apprennent, alors qu’elle leur a déjà fait comprendre que si elle les surprenait en train de fumer, ils auraient droit à la pire punition de leur vie. Elle aime aussi boire un peu, même si elle sait qu’elle perd rapidement ses marques à cause de l’alcool. 03 | Elle dessine bien, voire très bien, mais elle garde ses talents bien cachés. Seuls ceux qui l’ont connue quand elle était au collège ou au lycée savent que c’est un de ses passe-temps. 04 | Elle aime la musique et, surtout, danser. Dès qu’elle entend une chanson entraînante, il lui est difficile de s’empêcher de se déhancher, quand elle n’est pas seule elle réussit à se résoudre à uniquement taper du pied en cadence. Elle a un bon rythme et est d’ailleurs très forte aux jeux de danse de ses enfants, les seuls où elle parvient à leur mettre la pâtée, ce qui les amuse beaucoup. 05 | Elle est cinéphile et aime aller au cinéma, même seule, ou passer du temps sur son canapé à regarder des films ou binge watcher une série qu’elle aime. 06 | Elle n’est pas très proche de ses parents, qui vivent encore à Bellingham, et ne va leur rendre visite que pour qu’ils puissent voir leurs petits-enfants. 07 | Quand elle est tombée enceinte des jumeaux, son ex-mari lui a demandé d’arrêter de travailler définitivement, décidant qu’elle ne réussirait pas à gérer sa vie de mère et sa vie professionnelle. Évidemment, il lui était inconcevable qu’il participe aux corvées du foyer. Le connaissant, Daisy a rapidement accepté, sachant qu’il insisterait jusqu’à ce qu’elle cède. 08 | Elle adore cuisiner, faire de bonnes et de belles choses. Les plats tout-prêts sont rares à la maison, quand elle sait qu’elle n’aura pas le temps de cuisiner, elle prévoit à l’avance et peut ainsi passer son dimanche à faire à manger du matin jusqu’au soir si le congélateur commence à être trop vide à son goût.09 | Si, suite au divorce, Daisy a obtenu la garde des enfants, ils doivent quand même aller passer la moitié de leurs vacances chez leur père, à Seattle, ce qui l’oblige à le voir encore lorsqu’il vient les chercher ou les ramène. 10 | Folle des animaux, elle possède un Retriever de la Nouvelle-Ecosse qu’elle a dressé elle-même, et deux chats.

HISTOIRE |
24 Décembre 2001
C’est la veille de Noël, et pour la seconde année consécutive, je la passe en Californie avec mon petit-ami. Cela fait longtemps que je ne retourne plus à Bellingham pour voir ma famille. Ma mère me le reproche d’ailleurs, me rappelant que c’est mon foyer. Je m’empêche toujours difficilement de lui répondre que je n’ai pas vraiment été heureuse dans cette maison, que le peu de joie que j’y trouvais venait de mon frère et ma sœur. Comment on peut être heureux dans un foyer où les parents se hurlent dessus ? Quand on doit faire le tampon en permanence et protéger ses frère et sœur ? Pendant des années, j’ai subi, leurs cris, leur pression permanente pour être un modèle. Tant et si bien que j’ai fini par péter un câble au lycée et décider que c’était terminé, que je ne serais plus la poupée qu’ils voulaient.
Aujourd’hui donc, loin de ma famille, je passe une soirée romantique avec l’homme de ma vie, j’en suis certaine. Nous sommes ensemble depuis deux ans, et c’est parfait. Je le vois d’ailleurs s’agenouiller devant moi et me tendre une bague. Oh mon Dieu. « Oui ! »

Janvier 2005
Je ferme prudemment la porte de la salle de bain. Les enfants dorment enfin, mon mari est dans le salon en train de regarder la télé comme si rien ne s’était passé. Je suis sonnée, incapable de comprendre, épuisée. Les jumeaux ont décidé de faire leurs dents en même temps, au moment où leur grand frère est malade et me demande toute mon attention. Cela a duré deux jours, deux longues journées où j’ai dû délaisser un peu la maison pour le bien-être de mes petits. Je n’aurais peut-être pas dû. Les larmes me montent aux yeux et je m’engouffre sous l’eau de la douche. J’entends encore ses cris, par-dessus les sanglots des enfants, dans une cacophonie monstrueuse que j’ai eu du mal à comprendre. Et puis il m’a poussée. Et puis il a poussé rageusement les assiettes sales du comptoir. Et puis il m’a giflée. Il n’avait jamais fait ça. Il m’a regardé ramasser les dégâts, en s’excusant. « Je suis fatigué, la journée a été longue. Pardon, Daisy. »

Septembre 2012
Je ris en secouant la tête. Les autres mamans rient avec moi, en se jetant des regards gênés. Je suis maladroite, je me suis cognée à une porte en pleine nuit et une marque bleue barre ma joue. Je l’ai camouflée comme j’ai pu avec du maquillage, mais pas assez bien apparemment. J’ai l’habitude, cela dit, je garde le sourire, tenant la main des jumeaux qui sont un peu timides. Nous avons emménagé à Seattle durant l’été, et la rentrée n’a eu lieu qu’il y a deux semaines, ils ont encore du mal à se faire à leur nouvelle école. Je les embrasse fort, et les regarde partir en se cramponnant presque l’un à l’autre. Les voir partir est un déchirement, mes journées sont longues quand mes enfants sont à l’école. Le grand me quémande un bisou avant de rejoindre son frère et sa sœur. Les mamans s’exclament. « Ils sont tellement mignons ! »

Novembre 2019
J’ai changé. Depuis près de deux mois, je sens que j’ai changé. Il m’est encore difficile de penser à tout ça, c’est douloureux, pourtant je me souviens. Notre dispute, le soir de notre 17e anniversaire de mariage. Il avait oublié. On avait décidé d’envoyer les enfants chez mes parents pour le week-end, on avait prévu une soirée, et puis on devait partir le lendemain matin. J’avais tout préparé, et je l’ai attendu. Des heures. Pour le voir arriver comme une fleur à minuit passé. J’ai crié, pour la première fois. J’étais en colère, enfin ça faisait des années que j’étais en colère. Bien sûr, il a crié aussi. Il m’a hurlé de rester à ma place. De ne pas lui parler comme ça. Mais j’ai continué, hurlant aussi, des larmes de rage aux yeux. Je l’ai provoqué. Qu’il me frappe, il savait si bien le faire ! Son regard a changé, comme s’il avait peur que je sois en train de parler trop fort et qu’on m’entende. Il m’a poussé. Dans les escaliers. Je suis restée deux semaines à l’hôpital. On n’en a pas reparlé. Il m’a fallu du temps, mais j’ai trouvé le courage. « Venez, mes chéris. On s’en va. »

Septembre 2020
Mon cœur bat à cent à l’heure, je suis aussi stressée que les enfants. Nous venons d’arriver à Brevik, depuis une semaine, et déjà c’est la rentrée. Pour eux et pour moi, qui vais commencer un nouveau travail, le premier depuis 15 ans. Je les pousse dehors avant de fermer à clé notre nouvelle maison, maison de feu mon oncle. Un héritage dont personne ne voulait. Pour mon frère et ma sœur, venir dans une petite ville était inenvisageable. Moi ça m’allait, de partir de Seattle. Surtout que j’ai pu trouver un emploi comme vétérinaire, c’était inespéré. Il va sûrement me falloir un moment pour prendre mes marques, dans différents aspects de ma vie d’ailleurs. J'accompagne mes enfants jusqu'au bus, ils me regardent, nerveux. « Allez, les enfants. Tout va bien aller, maintenant. »

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