nate (out of my head)

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Début Février 2020

Les flammes qui crépitaient. La neige qui tombait. Le chat qui ronronnait, confortablement installé sur un fauteuil qui lui était jusque là interdit. Cela aurait dû être une soirée parfaite, si elle avait été là. A la place, il n’y avait que le silence dans cette maison. Joyce était couchée depuis une petite demi-heure et il était seul. D’abord, le brun avait fait semblant de s’intéresser à un programme télé, avant de tenter une lecture. Les lunettes sur le nez, pour ne pas s’infliger en plus un mal de crâne infernal. De temps à autre, son téléphone le happait. Une notification ? Peut-être un message de Casey. Il pouvait toujours rêver. D’autant qu’il finissait par s’imaginer des sonneries de notifications. De temps à autre, oui. Tout le temps, plutôt. Même s’il avait arrêté de la harceler de messages ou d’appels. Perdu dans ses pensées (ou dans les galerie photos de son téléphone) et la mine attristée, Nate n’entendit pas sa fille descendre les escaliers et le rejoindre dans le salon. « Qu’est-ce que tu fais là Jo ? » Qu’il s’étonna, abandonnant rapidement son téléphone sur la table basse. Tout en essayant de chasser sa peine. « J’arrivais pas à m’endormir et je voulais être avec toi Papa. » Joyce, ou le parfait exemple des yeux de chat potté qui vous faisait fondre dès la première seconde. Enfin, il n’en fallait pas beaucoup avec Nate et sa fille. Encore plus ces jours-ci.

Soupir. Sourire. Comment lui dire non ? Il avait tellement envie de briser sa solitude, et ce n’était pas Wheezy qui le permettait, même si sa présence était bien plus appréciée que le brun voudrait avouer. « Il y a école et il est déjà tard… Va te recoucher. » Eh bien, Nate pouvait lui dire non, apparemment. Grande surprise. Quand on ne connaissait pas son talent pour repousser les personnes qui tenaient à lui et essayaient de le réconforter. Pas de chance, sa fille avait hérité de son obstination. « Je peux dormir avec toi alors ? » Un regard échangé, un sourire attendri du père. Comment pouvait-il mériter une fille si adorable après tout ce qu’il avait fait dans sa vie ? Après quelques instants de silence, il finit par acquiescer, ce qui eut pour conséquence d’agiter Joyce qui se jeta sur le canapé pour un gros câlin. « Merci Papa ! » Et un peu de gourmandise, aussi. « Et Wheezy aussi ? » C’était donc une technique pour l’attendrir et le faire acquiescer à toutes ses demandes, même les plus audacieuses. Elle comprit d’ailleurs que ce n’était pas gagné vu le regard que son père lui offrait. Un chat sur son lit ? Hors de question. Il n’était pas si déprimé que ça. « S’il te plaît, s’il te plaît, s’il te plaît... » Pas si déprimé que ça ? Quid de ces nuits, il y a quelque temps, où Wheezy s’était faufilé dans la chambre pour tenir compagnie à son maître ? Soupir. Et dire qu’il voulait tout lui refuser en la voyant débarquer dans le salon. « Bon, d’accord. Mais ce sera la seule fois. » Bien sûr, on y croit. « T’es le meilleur ! » Sourire. Ça, il en doutait.

Nate prit alors sa fille dans ses bras et se leva pour rejoindre l’étage. Un simple bruit pour attirer l’attention du chat qui se leva à son tour (après quelques secondes de réflexion, bien entendu) et les suivit. Miraculeusement, cette boule de poils acceptait de l’écouter depuis quelque temps. Tous, ils s’installèrent confortablement dans le lit (ou sur, pour Wheezy) et pouvaient profiter d’une nuit paisible. La première pour Nate depuis bien longtemps.

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Début Février 2020
A Détroit avec Cecily O’Reilly


« T’es sorti un peu, au moins ? » Soupir. Parce qu’il avait, en plus, besoin que sa mère se comporte comme s’il était encore un adolescent à qui elle pouvait dicter un mode de vie. En même temps, quel message envoyait-il en venant se morfondre dans la maison qui l’avait vu grandir, à Détroit ? Officiellement, ce n’était qu’un de ces voyages pour rendre visite à celle qui lui avait donné la vie. Officiellement, oui. Parce que, soyons honnêtes, c’était surtout l’occasion pour le brun de retrouver la présence réconfortante d’un foyer pendant ces jours de solitude. Casey était partie. Toujours pas de nouvelles. Et, en prime, une mère sur le dos pour lui dire ce qu’il avait à faire. Mais quelle idée ! « Profite donc de ton week-end à la maison pour te changer les idées. » Ne voyait-elle pas qu’il était à bout, ce soir-là ? Ne voyait-elle pas qu’elle ne faisait qu’empirer les choses en tentant de l’aider, si on pouvait dire que là étaient ses intentions. « Va… dans une discothèque ? et trouve-toi un passe-temps ! Je suis sûre que personne ne peut résister à mon fils, même si t’es un peu négligé. Il faudrait que tu tailles cette barbe si tu veux être plus présentable d’ailleurs. » Parce que, passe-temps, dans le vocabulaire de Cecily O’Reilly, ne signifiait pas faire une partie de cartes. Bien sûr, elle se croyait en droit de raconter ce genre de choses. Pourquoi ? Eh bien, tout simplement parce que son fils adoré lui avait toujours accordé auparavant en gardant le silence. Cependant, Nate avait bien changé depuis toutes ces années. « Non mais tu te fous de moi maman ? Tu crois vraiment que j’ai envie de ça ? C’est pas parce qu’on s’est disputé que j’ai fait un trait sur elle ! Et tu sais qu’on parle plus de discothèque ? C’est plus les années 80, maman. » Putain de ridicule. C’était n’importe quoi. Qu’est-ce qu’il ne fallait pas entendre… Exaspéré, Nate tenta de passer outre ces remarques, installé confortablement dans le canapé, devant une émission stupide qui avait le mérite de lui tirer quelques sourires (moqueurs). « Roh, tu vas pas encore me parler de celle-là. De toute façon, tu mérites mieux qu’elle. » Sentant la colère monter, il tenta de l’arrêter en marmonnant à sa mère de stopper net son discours. Manque de chance, il ne fut pas entendu (ou écouté). Qu’est-ce qu’elle voulait ? Que son fils s’énerve contre elle alors qu’elle tenait un discours intenable sur Casey ? « Elle aurait dû te pardonner, c’est de sa faute si t’es malheureux alors oublie-la. » Bravo. Elle avait gagné.

Le coeur blessé, Nate finit par sortir de ses gonds. Elle le connaissait pourtant, son fils adoré ? Non ? Cecily savait pertinemment qu’il en fallait peu à son petit dernier pour s’enflammer. Mais elle continuait, encore et toujours. Il n’y en avait que pour son point de vue. Le reste ? Inintéressant. Se levant précipitamment, le brun se retourna pour faire face à sa mère et la désavouer. « SA faute ? T’écoutes un peu ce que je te dis depuis que je suis arrivé ?! » Disons que Nate n’avait pas hérité de sa propension à interpréter les choses à sa manière de son père… Jamais cette femme n’accepterait que son fils prodige soit responsable de quelque bêtise. Jamais. C’était toujours de la faute des autres. Il aurait fallu l’entendre défende l’infidélité de son fils en mettant tout sur le dos d’Hesther… « C’est de MA faute, maman. J’AI mal agi, qu’est-ce que tu comprends pas là-dedans ? La seule chose que tu retiens, c’est que c’est elle la fautive parce qu’elle m’a pas pardonné alors qu’elle aurait dû ? » Discours que Nate avait lui-même tenu, mais refusait d’entendre de la bouche d’une autre personne. Dans le genre compliqué… « Comme quand t’as pardonné à papa de nous avoir abandonnés ? » S’avançant au fur et à mesure de sa tirade, le fils était maintenant juste en face de sa mère qui le regardait, désemparée. Oh oui, elle avait oublié que son petit chéri pouvait se montrer tout aussi cruel. Étonnant, non ? Il fallait dire qu’il était allé à bonne école. « Je mérite une pauvre fille qui vit dans le déni de ses problèmes, c’est ça ? » Blessé, Nate ne se rendait pas compte de ce qu’il était en train de dire à sa mère. Celle-ci essayait tant bien que mal de garder la face, de refouler la douleur qui pouvait la rendre si acariâtre. « Je t’interdis de me parler comme ça, Nathanael. » Dans un murmure à peine audible, elle tenta à son tour de calmer le séisme sur le point de tout briser. En vain. Pourquoi devrait-il l’écouter alors qu’elle, elle ne se privait jamais de critiquer Casey en sa présence ?

La colère du fils, ou peut-être son mal être total, éclata au grand jour et laissa paraître un vilain visage. Faux rire mesquin. « Sinon quoi, hein ? T’aimes pas que je te dise la vérité, c’est ça ? Parce que toi, tu sais pas faire. Pourquoi, toi, tu nous as jamais dit la vérité ? Pourquoi ? » Le voilà en totale roue libre. Il fallait bien le crever, cet abcès, après toutes ces années. Il fallait bien que quelqu’un mette des mots sur ces non-dits honteux de la famille O’Reilly.  Il fallait bien qu’ils en parlent, même si ça fait un mal de chien. « Je… je croyais que c’était un aventurier, qu’il faisait de grandes choses. Tu m’as laissé l’idolâtrer pendant des années… alors que c’était un connard ! Est-ce qu’il a voulu de moi, au moins ? » Ce premier abandon, celui qui avait écrit le destin de cet homme, éternel dolent face à cette bourbe de laquelle il était prisonnier depuis toujours. « Est-ce qu’il a... » Sa mère lui coupa la parole, dans l’intention d’apaiser son coeur en folie. « Natha... » En vain, encore une fois. « Réponds-moi ! » C’était presque en lui criant dessus qu’il reprit la parole pour avoir les réponses qu’il souhaitait. Il avait presque envie de les entendre ces mots, il ne t’a jamais aimé, il est parti sans aucun regret. Oh oui, qu’est-ce qu’il avait envie de les entendre pour enfin comprendre ce qui le brûlait de l’intérieur. Pourtant, ce n’était pas ce que lui offrit sa mère. Il eut droit, comme à chaque fois, à un contournement du problème. Dans une autre situation, le brun aurait presque trouvé fascinant d’observer qu’il adoptait avec les autres le même comportement que sa celle-ci. Fascinant, oui. Révélateur, aussi. Dieu, qu’est-ce que c’était irritant ! « Qu’est-ce que je voulais que je te dise, Nathanael ?! Qu’est-ce que je devais dire à mes deux petits garçons qui espéraient à chaque anniversaire, à chaque Noël, que leur père reviendrait ?! » Après tout, elle avait autant raison que son fils. Comment aurait-elle pu gérer cette situation ? Et, surtout, comment la blâmer d’avoir fait une erreur de jugement ? N’était-ce pas ce qu’il avait fait lui aussi, à maintes reprises ? « Qu’il nous avait tous abandonné pour aller dans cette… ? » Grimace. Dégoût. Dans cette secte. Pauvre Cecily qui, pour une fois, aurait mérité un peu de compassion.

Trop égocentré, le professeur continua à déverser son venin dans l’espoir d’alléger son coeur devenu trop pesant. Adieu le gentil petit garçon qui acquiesçait à tous les dires de sa mère. Il était bien loin ce soir-là. « Parce que tu crois que c’était mieux de nous inventer des histoires ? De créer de fausses lettres, de faux cadeaux ? Tu crois que j’ai ressenti quoi quand Fynn m’a fait comprendre que j’attendais un fantôme ?! Quand j’ai appris qu’il s’était suicidé dans une putain de secte et qu’il en avait jamais rien eu à foutre de moi ?! » Et pourquoi fallait-il que ce putain de connard soit parti dans la tombe en gardant égoïstement toutes les réponses aux multiples questions qu’un fils pouvait se poser ?! Et pourquoi fallait-il que Nate se pose toutes ces questions ce soir-là ? Son coeur avait dérivé au-delà de ses problèmes actuels, mais étaient-ils si éloignés ? N’y avait-il toujours pas cette constante ? Cet abandon, maintenant orchestré par Casey dont il restait fou amoureux malgré les circonstances ? En pleine détresse, Cecily ne trouva rien à dire. Pour une fois, elle se montra raisonnable et subit le raz-de-marée sans agir. A quoi bon, quand il était dans cet état ? « Tu crois que ça, ça m’a pas brisé le coeur ? » Avouait-il à demi-mots qu’il avait effectivement le coeur brisé ? Ce qui était certain, c’est qu’il ne serait plus le seul après cet embrasement incontrôlé. « Alors arrête d’accabler Casey ! Il faut toujours que tu lui trouves des torts ! Tu l’ignores à chaque fois qu’elle vient, il faut pas t’étonner si elle veut pas te voir ! Mais t’as eu ce que tu voulais, non ? Elle vient plus maintenant. » Et, même si Nate avait tout fait pour se montrer conciliant, ce n’était pas pour autant qu’il le vivait bien. La preuve en l’instant-même. « Je veux plus t’entendre la juger ou la critiquer. Elle me pardonnera quand elle voudra. » Et le plus tôt serait le mieux, à son avis, mais que pouvait-il faire à part attendre et empêcher sa mère de la dénigrer ? Et mieux valait ne pas le dire à sa mère qui profiterait de l’occasion pour essayer de lui faire changer d’avis. Sa colère devenait froide, menaçant à présent la seule personne qui l’avait soutenu à travers toutes ses épreuves. « Et t’as intérêt de te mettre ça en tête si tu veux continuer à me voir. »

Laissant sa mère dans un piteux état, le brun s’empressa de retrouver la pièce qui avait été sa chambre pendant des années afin de prendre ses affaires et partir. Dans un élan dramatique (ridicule, avouons-le), il décida de claquer la porte pour s’assurer de ne pas se retrouver avec sa mère suppliante à ses pieds. Parce qu’il savait pertinemment qu’il n’allait pas tenir encore longtemps, que la colère laisserait place au véritable sentiment qui le paralysait depuis quelques semaines. L’angoisse de perdre Casey. Ce ne fut que quelques minutes plus tard que sa mère décida de le rejoindre, alors qu’il était assis sur son lit. Le téléphone scotché à la main. Messagerie ouverte. Supplications relancées. Aucune réponse. Cecily s’approcha donc de son fils, doucement, jusqu’à s’asseoir à ses côtés et le prendre dans ses bras réconfortants.

Toute cette histoire, à cause d’un syndrome de Jocaste mélangé à de vieilles blessures qui n’avaient jamais été soignées et de nouvelles encore trop fraîches. Il y avait eu tous ces coups de pied sous la table, de la part de Fynn, à chaque fois que le plus jeune des O’Reilly avait essayé d’avoir des réponses. Il y avait eu tous ces silences. Il y avait eu tous ces regards. Il y avait eu tous ces chagrins inconsolables, comme aujourd’hui.