JAMES - ONCE YOU'RE MARRIED

When we first met, then we got used to it, but found our way back to the first sparkles
in my head

09 Août 2020
Cher journal,

La rencontre - What we knew
Quand j’ai rencontré Mila, c’était… comme un rêve devenu réalité. Elle était douce, souriante, on riait beaucoup. C’est très important de rire, et là, vraiment, on rigolait tout le temps… Je l’invitais tous les mardis soirs pour manger son plat préféré. Elle avait déjà son caractère bien trempé de grande sœur déterminée, très investie dans ses études. C’est que ça m’a demandé sacrément beaucoup de courage pour finir par l’inviter à sortir, puis craquer et l’embrasser… Puis craquer et lui demander si elle s’imaginait bien vivre toute sa vie et plus encore avec moi, tout juste 4 mois après notre rencontre. Et là ? Elle a dit oui. On se comprenait sans se parler, on vivait les choses avec la même intensité. Ca ne l’empêchait pas d’être toujours très investie dans son travail, moi dans le mien. Mais les soirées, quand elle était à la maison, on aurait aimé qu’elles soient interminables. On était profondément heureux. Et ça se voyait.


Après le mariage - What is has became
Nous étions à Brevik depuis deux ans, et déjà les choses n’étaient plus comme avant. Ca faisait 4 ans qu’on se connaissait et qu’on habitait ensemble. 2 ans qu’on était mariés et qu’on vivait à Brevik. Mais… C’était très différent. Comme si le travail de Mila avait réussi à obtenir plus que la bosseuse déterminée, mais il s’était également emparé de son humour, de sa disponibilité. De son amour... Comme si être ensemble, rien que tous les deux, ça ne servait plus à rien. Comme si je ne lui suffisait plus ? Comme s’il n’y avait que son travail pour satisfaire toute sa personne ? Quand on a appris qu’on allait être parents, c’est là que le froid s’est réellement installé entre nous. C’est là que nous avions officieusement mis un terme à tous modes de communication. Nous devenions petit à petit des étrangers l’un pour l’autre. Alors pourquoi aller jusqu’au bout d’une grossesse ? Pour des enfants qui n’auraient qu’un parent sur deux pour s’occuper d’eux à tour de rôle ? Pour habiter dans un château de glace où on ne parle pas, où on s’interdit de ressentir les choses parce que c’est chiant. Ca prend trop de temps et trop d’énergie. Sur cet énorme désaccord, Mila était fermement décidé à garder les enfants – oui on a fini par apprendre que c’était des jumeaux. Moi non. Déjà parce que je ne me sentais pas prêt du tout pour avoir des enfants ! Et puis parce que je voulais leur donner deux parents qui s’aiment. Et ça, on ne l’avait plus du tout.


Les enfants - When they brung new light
Finalement, Alexandre et Cassandre sont nés. C’était… une bouffée d’air frai. Un troisième poumon. La meilleure chose qui puisse arriver à notre couple, à notre situation, à notre famille, pour notre bonheur, à tous. Comme bien souvent, c’est Mila qui avait raison d’aller jusqu’au bout, encore. C’est eux qui rétablissait l’ordre dans notre couple. Ils nous ont imposé de devenir un papa, une maman, de trouver en nous le moyen de passer outre tous ces désaccords pour aspirer tout l’amour qu’ils pouvaient. L’amour qu’ils créaient par leur existence ! On ne peut pas dire que tout ça s’est fait en un mois. Oui, on reprenait du poil de la bête ! Oui on réussissait à se sourire à nouveau. A se faire rire, un peu. A s’agacer, beaucoup. A se contre dire, principalement. Mais on sentait bien que la flamme de notre complicité aussi fébrile soit elle, elle n’était pas éteinte contrairement à ce qu’on pensait. Il aura fallut attendre Avril 2020. L’annonce de la deuxième grossesse de Mila et il y a eu le déclic, dans l’autre sens. Il y a eu cette prise de recule, cette lucidité sur la vie qu’on menait, cette vérité, qui fait mal. On ne savait plus s’aimer, elle et moi. On ne savait plus se faire rire. On ne savait plus être Mila et James… Le pire ? On n’avait jamais appris à être des parents tous les deux. Et c’est ça qui nous a secoué. On pouvait pas continuer à être parents à mi-temps, à se prêter les garçons pour qu’on soit sûr qu’ils aient vu papa, puis maman. Il fallait faire les choses ensemble ! Mais pareil, rien d’instantané. D’ailleurs on approche de la date du jour où j’écris…  


Le nouveau bébé - Mixed emotions
Ca y est. Ca fait déjà cinq mois. Cinq mois que j'ai appris que nous allions accueillir un nouveau petit bébé parmi nous. Dans cette famille unie, quoiqu'un peu décousue par le travail acharné de Mila, nos manques d'attention pour que ça fonctionne, le peu de moments passés en famille, tous ensemble (sans être dérangé par quoique ce soit d'extérieur). Outre le fait que les hormones de la mère de famille travaillaient beaucoup, Mila semblait aborder la vie en famille différemment. Après un aveu qui a failli me faire crever sur place tellement je ne l’ai pas vu venir, Mila souhaitait que ça change. Elle voulait qu’on continue de se donner, de s’arracher pour que cette famille, que ce couple fonctionne. Une chose à la fois, petit pas par petit pas. Dans cet aveu, elle exprimait combien elle souffrait d’être ‘une mauvaise mère’ par son absence constante à cause du travail. Combien elle souffrait de ne plus savoir ‘être une femme pour son mari’. Et breaking news... Il n'y en aura pas qu'un, mais deux... Les garçons vont finir par croire que les enfants se fabriquent deux par deux à force.


Aujourd'hui - What has changed
La direction était claire. Essayer de faire mieux. Eviter de toucher le fond qu’on avait heurté les mois, les années précédentes. Trouver un équilibre, s’il y en a un…

rêve, souvenir, tranche de vie...
in my head

26 Octobre 2020
C'est le jour où on touche le fond. Le jour où j'ai cru qu'on m'annonçait qu'elle était morte. Rien que d'y repenser j'ai envie de vomir... Mila était tombée au travail à cause de vertige. Finalement, tout allait à peu près bien. Mais en fait non. Ca n'allait pas ! Pourquoi je relativise ? Ca n'allait pas du tout ! On va failli tous y rester d'une certaine manière ! Et moi ? Monsieur tempérance, qui préférait faire des phrases douces plutôt que de taper du point sur la table...

Ce jour-là, une fois sortis de l'hôpital, Mila espérait juste qu'on puisse se parler, pourquoi pas se rejeter s'il le fallait, se crier dessus. S'exprimer en fait ! Il m'aura fallut du temps pour comprendre. Une année entière pour ainsi dire. Finalement cet agacement, ces gestes repoussants qu'elle a posé, cette recherche de la prise de tête comme ça ne nous était jamais arrivé, c'était bel et bien pour me secouer le cocotier. Pour réveiller tout le monde en dessous de ces boucles brunes. Hello James ! Svegliati ! Wake up ! Ca n'a pas été simple à encaisser. Ca a même été je crois la pire conversation de toute notre vie passée ensemble. Mais Dieu merci, c'est du passé.


22 Novembre 2020
C'est le soir où on a parlé. Le soir on a réussi à expliquer, calmement, ce qu'on attendait vraiment l'un de l'autre. Nos besoins, nos attentes, nos difficultés. Avant on parlait tout le temps comme ça ! Puis, je crois que... Je crois qu'on a pris pour acquis ce que nous avions. On a pris pour acquis notre vie de couple, notre vie de famille. Heureusement qu'il y a eu un 22 Novembre 2020 dans notre histoire, dans notre vie. Là aussi, la direction était claire, les mots étaient clairs. Les efforts que nous voulions faire l'un pour l'autre étaient claires. Sans ça, je crois qu'on aurait juste, tout simplement, pas pu vivre les fêtes de Noël avec un semblant de sourire. Quoique... Ca faisait des années qu'on arrivait à tenir une face irréprochable alors que rien n'allait correctement à l'intérieur. Pourquoi pas un Noël de plus ? Ah... Non... Ca aurait été trop différent. Avec des jumelles en plus ? On aurait pas tenu.

Il nous aura fallut, oui, presque un mois. Pour digérer, accepter, que c'était pas grave d'avoir si mal parlé, de s'être blessé et abîmé encore un peu plus. Il nous aura fallut bien moins de temps pour apprécier la présence l'un de l'autre plus régulière à la maison. Ca n'a pas été simple du tout pour Mila qui, en plus d'avoir deux bébés dans le ventre, ne pouvait plus mettre les pieds à l'hôpital. C'était un réapprentissage de la vie que de rester à la maison tous les jours. Sans pouvoir prendre pleinement part à toutes les activités.


12 Décembre 2020
Les filles sont nées ! Et quel moment merveilleusement atroce. Oui, ok, très bien. Un autre jour qui est l'un des plus beaux de ma vie. Oui mais non. Je vous assure que toutes les étapes précédents la venue au monde des filles sont vraiment les pires qu'un père puisse vivre. Dieu merci, le cerveau fait une sélection drastique quelques mois après la naissance pour oublier en partie ce qu'il a vu et entendu...


19 Mars 2021
C'est mon anniversaire. Et c'était une super journée ! Les décisions de fin d'année, suite à la naissance des filles, apportaient une amélioration visible, très agréable, pour l'ensemble de la famille. Je revois encore les garçons se battre pour m'apporter mon cadeau. Je revois la douceur de Mila et ses attentions nombreuses. Je ressens encore ceci dit la fatigue, parce que c'est pas tout mais, ça reste 4 enfants à gérer tous les jours. Un jour merveilleux. Des supers souvenirs familiaux, à la maison. Une vie simple dans un quotidien compliqué.


8 Juin 2021
On a trouvé la nounou idéale pour les filles. Après un casting relativement long parce que voilà les parents que nous étions... La maman perfectionniste, le papa poule qui a été lui-même père au foyer. Je peux vous dire que les exigences étaient nombreuses et très élevées !

Il ne me restait plus qu'à trouver un travail. En Septembre était convenue la reprise du travail pour le couple que nous formions. Mila avait l'autorisation de retourner à l'hôpital, après presque un an à l'écart, et ça, c'est assez douloureux pour elle. Si proche d'être responsable de service, finalement enceinte, finalement période de travail écourtée avant et après la grossesse car la santé des filles et de la maman ne lui permettait pas de remettre les pieds à l'hôpital. Et puis moi, après 4 ans sans avoir travaillé, il était temps. On est d'accord, ce n'est toujours pas pour gagner de l'argent, je suis riche. C'est juste parce que j'en ai envie, et que, quand même, je sais bien à quel point ça compte dans l'équilibre d'une famille. Mais aussi dans mon équilibre d'homme. Aucun problème pour accepter de mettre moi, ma carrière entre parenthèse. En revanche... C'était pas prévu pour toute la vie.

Travail trouvé ! Je serai à mon compte. Et en tant qu'indépendant, je travaillerai exclusivement sur les sujets qui m'intéresse, et sur lesquels j'ai envie d'écrire. Pour les organismes qui m'intéressent ! D'ailleurs, le premier avec qui j'ai pris contact, c'est la mairie de Brevik. Je n'avais pas encore la nationalité locale, mais quand même, cela faisait un moment que j'avais débarqué maintenant. J'avais donc mon mot à dire sur les différents évènements artistiques qui se déroulent par ici ou dans les alentours ! Tout ça avec un regard local... Mais italien !


6 Septembre 2021
La deuxième rentrée des jumeaux à l'école. Les filles à la maison avec la nounou.

« Bye les garçons, travaillez bien ! Fais un bisou à papa Alexandre s'il te plait. Voilà, bien mieux ! » Je me redressais, heureux. Papa accompli qui voit ses petits bonhommes marcher comme des grands en direction de leur classe. Je passais un bras dans le dos de Mila tout en faisant des gestes d'au revoir aux garçons.

On s'est regardés tous les deux. Un peu perdus. Désœuvrés. Trois secondes de blanc avant d'éclater de rire. Un rire un peu ému. « Non mais tu y crois toi ? Les garçons vont à l'école ? Et ils ne se retournent même plus pour nous dire un dernier au revoir ?  » Comme des hommes, qui n'ont pas besoin de l'affection de leurs parents, ben voyons... Soupire ému. Pour Mila et moi, pas de travail avant le lendemain. Je l'ai regardée, elle m'a regardé. Et je lui ai proposé d'aller prendre un café. En reprenant presque mot à mot, les expressions que j'avais utilisé la première fois que je lui ai proposé ça, lorsqu'elle faisait son internat à Baltimore en 2012. Sourire en coin. Petit stress de ne pas savoir si elle dirait oui. Puis finalement, elle a redit oui ! On s'est embrassé et on s'est mis en route, comme un couple qui vient de se mettre ensemble, sans enfants...


18 Octobre 2021
Ca y est. Non en fait je réalise pas. J'en reviens pas. Comment ça ? Ca fait déjà un an ? Ca fait un an qu'on a touché le fond. Un an, à quelques mois de la naissance des filles, je me revois me précipiter à l'hôpital pour rejoindre Mila. Ses vertiges avaient eu raison d'elle et de sa tête de mule. Elle venait d'être sagement congédiée de son travail pour plus de repos jusqu'à la naissance des filles, et quelle erreur je n'ai pas faite que d'essayer d'être un mari doux et attentif ce jour-là.

Le temps file trop vite. Est-ce qu'on est déjà retombé dans une routine où on oublie d'exister ? Ou on oublie de faire attention ? Je crois que je travaille trop. Je crois que Mila aussi. Il s'agirait de briser le cercle vicieux à un moment donné...