never let me go (enid)

Un regard au rétroviseur central. Sa main vient instinctivement trouver le bouton du volume, qu'il descend d'un cran. Edda semble s'être endormie dans la voiture et, avec tout le sucre qu'elle a engloutie lors du repas chez la Vieille Branche, ceci semble presque suspect. Un sourire étire les lippes du brun alors que sa main droite glisse vers le siège passager, que ses doigts s'entrelacent à ceux d'Enid. Une douce musique folk, l'habitacle du pick-up surchauffé pour faire face au froid de plus en plus mordant qui s'est définitivement installé sur la petite ville de Brevik.

C'est un dimanche presque comme les autres. Une sorte de petite tradition qui s'est installée au fil des mois passés à deux. Parfois, les festivités se déroulent chez Mamie Arnesen, d'autre dans la petite cabane de St-Olaf sous la supervision et l'œil expert d'Enid qui s'assure que les invités ne mangent pas du charbon, alors qu'Isak lui joue son rôle de commis à la perfection. Et enfin, d'autres soirs, comme ce soir, c'est chez le Vieux Isak que le repas du dimanche à lieux. Si on lui avait dit il y a quelques années auparavant qu'il prendrait plaisir et goût à ce genre de coutume, Isak en aurait ri à gorge déployée. Et pourtant. Sa main dans celle d'Enid, son regard océan fixé sur le chemin de terre familier qui mène à la maison. Sa maison. Celle d'Edda. Et celle d'Enid ? Pour lui c'était une sorte d'évidence, si bien qu'il n'avait jamais eu besoin de prononcer les mots à voix haute. Depuis le jour où il lui a ouvert son cœur, où il a lâché un premier je t'aime maladroit, sincère. Où il a déposé solennellement la clé de son humble demeure, de son cœur, dans la paume de la blonde. Et pourtant.

Malgré le repas délicieux, malgré la douce musique qui s'arrête au moment où la voiture est garée entre deux sapins, malgré sa main dans celle d'Enid. Il y a un éléphant dans la pièce. Coupant le contact, osant un regard vers la jeune femme, Isak sourit doucement. « Je m'occupe d'Edda d'accord ? » Hochement de tête entendu alors qu'il quitte silencieusement son siège passager pour ouvrir la portière arrière. Edda calée dans ses bras, un sourire presque invisible qui étire ses lèvres, qu'elle tente de cacher du mieux qu'elle peut. « Petite maligne ». L'oncle murmure ces quelques mots à l'oreille de l'enfant. Elle a grandi. Il le voit tous les jours. A l'assurance qu'elle a pris, aux questions plus précises et parfois un brin trop philosophiques qu'elle pose. Elle a grandi et pourtant elle aime toujours autant se faire border. C'est attendri et amusé par la situation qu'Isak joue le jeu, laissant imaginer à la petite brune que le subterfuge fonctionne, qu'il la croit parfaitement endormie. Presque. En réalité, il profite de l'instant Isak. Sachant que ce moment ne durera pas une éternité. S'y accrochant avec force pour les prochaines années, lorsque Edda partira en quête d'indépendance.

Pyjama enfilé, la petite bordée, bien enroulée dans sa couverture, comme elle l'aime, un baiser sur le front, la lumière éteinte. Isak descend les escaliers, s'attendant à trouver Enid dans le salon, enroulée dans un plaid et confortablement installée dans le canapé, prête à aller border la petite à son tour. C'est finalement à la cuisine qu'il la retrouve, proche du lavabo, le dos tourné. Occupée a... Il ne sait pas bien. Lentement, silencieusement, il glisse vers elle, enroule ses bras autour de ses épaules et dépose un baiser sur son front. « Edda dort, c'est un miracle. » Il rit en silence contre ses cheveux. « Qui aurait cru que ce serait si facile après cette énorme part de gâteau qu'elle a englouti en trois bouchées chez ton papy. » Ses yeux s'arrêtent sur la vitre qui surplombe le lavabo face à eux, leur renvoyant leur propre reflet. Une image. Enid dans ses bras. Son cœur se serre de joie dans sa poitrine. Et pourtant. Un éléphant dans la pièce. Un silence plutôt inhabituel de la part de la petite blonde. « Tu veux un chocolat chaud ? » Sa solution miracle pour espérer arracher un sourire à la femme. Son remède, lorsqu'il sent que quelque chose ne va pas tout à fait.

C’est subtil. Presque invisible mais il y a quelque chose. Et même si Isak préférerait ne pas y penser, il pense savoir exactement ce dont il est question. Parce que maintenant il l’a connaît. Du moins, il croit la connaître. « Écoute Enid… » La voix douce, il pose ses deux mains sur ses épaules forçant la blonde à lui faire face. « Regarde-moi. Allez, regarde-moi. » Un doux sourire, encourageant, rassurant. Une main sur son menton qu’il relève délicatement. Le regard fuyant c’est sa technique. Pas celle d’Enid. « Faut pas te préoccuper de ce qu’il a dit. Tu sais bien que les grands-parents peuvent être… » Haussement d’épaule désinvolte.  « Ben…un peu vieux jeu ? »

never let me go @isak arnesen

Tout semblait un tableau parfait, une toile de maître, de la petite famille atypique à ses doigts entrelacés aux siens. En passant par cette atmosphère doucereuse due aux notes de musique et à la presque chaleur ambiante de cette voiture. Doucereuse, malheureusement. Voilà cette tâche au tableau qui gâchait l’ensemble. Enid, elle,  tergiversait depuis un bon moment à présent. Une petite famille ? Vraiment ? Ce n’était pas ce que la réaction du grand brun lui inspirait, et encore moins cette ambiance pesante depuis leur départ de la presque ancienne – mais pas tant que cela finalement – demeure de la Ollingsen. Le dîner, que dis-je !, le festin made in Eddusen n’avait malheureusement pas suffi à faire passer la plaisanterie déguisée en remarque – à moins que ce ne soit l’inverse. C’était donc déçue, pour ne pas dire chagrinée, qu’Enid avait suivi les deux seuls membres de la famille restreinte dont elle ne se sentait à présent que l’invitée. Discrète sur le chemin du retour, la blonde ne fut pourtant pas avare de regards ou sourires. De plus en plus minces, imperceptibles. A quoi bon ? Et lui qui ne disait rien. Qui s’occupait d’Edda à leur arrivée, comme si leur soirée s’était passée à merveille (ce qui était pourtant vrai, à un détail près). Qu’il n’y avait pas sujet à discussion. Soupir. Qu’il s’éclipse, cela lui libérerait du temps pour terminer de se convaincre que son petit bonheur n’était finalement pas si parfait.

Seule, les tracas ne faisaient que s’amplifier. Les voilà, les petites pensées assassines qui revenaient au galop après des mois de tranquillité. Triple idiote. A quoi t’étais-tu attendue ? Qu’il mette cette cabane à ton nom, t’épouse et te fasse cinq enfants en l’espace d’une année et demie ? Tout d’abord, cela était mathématiquement impossible, et puis… c’était mal connaître l’homme des bois de Brevik ! Il fallait apprendre à descendre de ce petit nuage qui n’apportait pas que du bien avec ces rêves de petite fille, ces espoirs auxquels la petite Enid devenue grande avait cru dur comme fer avec un premier mari, puis avec celui qu’elle pensait – peut-être à tort – être l’homme de sa vie. Toute seule au rez-de-chaussée, elle cherchait à s’occuper pour ne pas laisser ses doutes, qu’elle savait vains au fond d’elle sans réussir à s’en convaincre, s’imposer et lui donner envie de retourner passer le reste de la soirée puis la nuit chez son papy. Chez elle.

Malgré le silence, la petite blonde n’entendit même pas le géant revenir. Trop perdue dans ses pensées. A regarder partout et nulle part dans cette cuisine. La surprise ne l’empêcha pas pour autant d’accueillir la délicatesse de l’homme avec docilité, puis elle se laissa enlacer, ferma même les yeux quelques instants et sourit même alors qu’elle refermait précautionneusement l’étreinte de ses bras, mêlés à ceux du brun. Non, elle avait mal compris. Pas avec cette douceur, cette tendresse. Cette ambiance n’existait que dans sa tête, sans doute. Depuis quand Enid Ollingsen se laissait-elle aller à de telles préoccupations ? Elle profita donc du moment, sans se soucier des paroles prononcées. Jusqu’à ce qu’il fasse la proposition. Le fameux chocolat chaud. La stratégie préférée du brun pour éloigner ou retarder une conversation. Soupir. Voilà que le sourire avait disparu tout comme la tendre docilité. Pourtant, elle se retourna tout de même pour lui faire face, sur son invitation, mais refusa de le regarder. De peur d’y voir un regard trop assuré qui tenterait de lui imposer sa vision des choses. « Vieux jeu ? » Qu’elle répéta instinctivement, blessée par la certitude que, oui, finalement, elle avait peut-être raison de trouver l’ambiance pesante. Ses yeux enfin dans les siens, elle chercha désespérément une faille quelque part. Mais non, rien. Il était persuadé de ce qu’il disait. Et, elle, elle s’était bien trompée en se laissant aller à ses rêveries. Encore un qui ne jurait que par son propre avis. Idiote.

Une impression d’être hors du temps. Peinée, énervée et déçue à la fois. Enid préféra se détacher du brun avant de lui faire comprendre à quel point il était blessant. « Tu trouves vraiment que ce serait vieux jeu ? » Que je suis vieux jeu ? Que s’engager durablement dans une relation avec l’autre est vieux jeu ? « Ce serait si dérangeant que j’habite vraiment ici ? Officiellement ? » Parce que, a priori, ils n’avaient jamais été sur la même longueur d’ondes depuis ce jour où il lui avait offert les clés de la cabane. « Parce que ce soir j’ai l’impression d’être qu’une simple invitée chez toi. » D’un ton aussi réprobateur qu’attristé. Elle avait tout compris, ou pensait plutôt avoir tout compris. Il ne voulait pas d’elle officiellement ici, sur sa boîte aux lettres ou ailleurs. Il ne voulait pas de vrais engagements. Il ne voulait pas de mariage. Il ne voulait pas d’enfants. Il voulait juste son petit confort personnel dans lequel il s’était complu bien trop longtemps. Oui, elle l’avait compris. Mais elle n’avait pas pris conscience jusque là que ce serait si problématique pour eux.

Les mains sur les épaules de la blonde pour l’inciter à se retourner, à lui faire face. Un sourire doux étirant ses lippes, presque timide, comme si au fond de lui il sait que quelque chose ne tourne pas rond. Ses iris plongées dans celles d’Enid lorsque, enfin, la petite blonde abdique et se retourne. L’esprit qui s’active, tente de lire la situation et les émotions – ou plutôt le manque troublant d’émotions – émanant de la jeune femme habituellement si chaleureuse, si démonstrative et si aimante. Froid polaire qui lui gifle le visage d’une bourrasque glacée, feu ardent qui lui brûle les paumes lorsque la blonde réagit enfin, brisant ce silence pesant qu’y n’aura duré que quelques maladroites secondes.

Instinctivement, Isak brise le contact entre leurs deux corps et recule d’un pas, accusant le coup. Il aimerait avoir le temps de rattraper ses mots maladroits, sans réellement comprendre le sens de sa maladresse. Ses sourcils se froncent alors que sa matière grise s’active. Il s’apprête à reprendre la parole mais Enid enchaîne. Tête baissé, regard qui se durcit, ses bras qui étaient enroulés autour de la blonde quelques secondes auparavant viennent se croiser sur son torse, quémandant aussitôt la chaleur de l’étreinte brisée.

De la chaleur, il n’y en a pas. Des mots tranchants, une réponse sortie sans une once d’hésitation, une vérité brulante qui ne demandait apparemment qu’à sortir. C’est silencieux, renfermé sur lui-même qu’Isak accueil les paroles de la blonde et accuse le choc. Les interrogations qui s’enchaînent et remettent en question ses propres affirmations. Pris au dépourvu, n’ayant pas anticipé la tempête qui s’abattrait sur lui à l’instant où il ouvrirait la bouche, le brun se sent acculé et il n’aime pas ça. Dépassé par les évènements et le cours des choses après une soirée qu’il pensait réussie, le voilà qui réfléchit à toute allure, tournante et retournant la scène, les quelques secondes suspendues dans l’air, électriques, cherchant à comprendre ce qu’il a pu faire ou dire de mal. « Quoi ? C’est pas… c’est pas ce que j’entends, j’ai cru que tu… » Pas le temps de trouver la réponse ou la bonne formulation, la blonde met fin à ce début d’explication maladroit d’un dernier coup fatal, porté droit au cœur. « Parce que ce soir j’ai l’impression d’être qu’une simple invitée chez toi. » Rapide, simple, efficace et terriblement blessant. Le choc de la réaction de la blonde laisse place à la douleur. Touché en plein cœur par les mots et l’expression peinée d’Enid, Isak recule encore d’un pas et vient s’appuyer contre les buffets de la cuisine telle une poupée de chiffon désarticulée.

Les mots lui manquent. Comme l’énergie ou le courage de poser son regard sur la blonde. Les sourcils froncés, le masque d’impassibilité qu’il réserve aux personnes qu’il cherche à tenir à l’écart et qui s’était fissuré jusqu’à tomber suite à ces moins passés auprès d’Enid refait surface, vient tirer ses traits. Il aimerait pouvoir briser l’espace entre leurs deux corps, effacer le regard peiné qu’il peut lire à travers les reproches acerbes qu’elle lui jette au visage. Mais quelque chose le retient fermente sur place.

Une invitée chez lui. Goût amer en bouche alors que le film des souvenirs de l’année et des mois passés et conjugués à deux se rembobine dans l’esprit du marin. Lui trempé, tambourinant à la fenêtre d’Enid lors d’une chaude nuit d’été, en plein orage. Les caresses et les premiers mots doux jalousement gardés pendant des semaines, des mois, jusqu’à ce qu’enfin ils soient prêts à l’annonce à leurs amis, à leur famille. Une intimité comme jamais il n’en avait forgée avec qui que ce soit, renforcée chaque jour par la complicité et le temps. Des regards qui remplacent les mots, les gestes. Deux cœurs qui battent à l’unisson. Une clé offerte en décembre dernier. Chaque barrière, chaque étape franchie ensemble, à deux. A leur rythme. Du moins c’est ce qu’il croyait. Ses croyances, ses rêves se ternissent et s’effritent alors que la réalité qu’il ne comprend pas lui-même et dont lui faire part Enid lui éclate brutalement au visage.

« Une… invitée ? Tu le penses sérieusement ? » Enfin, son regard océan se pose sur la blonde. Il doit comprendre, il veut comprendre, pour lui, pour elle mais surtout et avant tout, pour eux. « Ça fait combien de temps que tu penses ça ? »  Grand maladroit des sentiments et des mots, Isak sait qu’il avance en terrain miné. Cette difficulté à articuler à voix haute les sentiments qui l’habitent, à dire tout haut ce qu’il ressent et ce qui brûle au fond de sa poitrine, de son âme. Pourtant, cette fois-ci il n’y a pas d’échappatoire et il le sait. Le silence retombe, lourd et étouffant. Enfin, ses yeux rencontrent ceux de la blonde, tentant désespérément de lui transmettre un message silencieux. Une invitée, la blonde ne l’a jamais été mais cette vérité qui  semble si éclatante, seul Isak semble la connaître.

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Visage fermé. Froideur inhabituelle. Focalisée sur ses pensées et cauchemars, la petite blonde ne se rendait pas compte de l’image qu’elle dégageait en cet instant précis. Ou peut-être n’en avait-elle rien à faire ? Après tout, la jeune femme avait gardé la face toute la soirée. Même lorsqu’un Isak avait plaisanté et l’autre gardé le silence dans un moment aussi gênant que douloureux. Rires esquissés. Sourires vains. Ils en étaient donc encore là, plus d’un an après s’être trouvés l’un l’autre ? Réduits aux expressions et paroles forcées, fausses, au lieu d’aller de l’avant et de s’engager ? Et que dire de cette riche année, si ce n’était qu’elle était bien plus longue que la réalité laissait paraître… Depuis combien de temps, véritablement, s’aimaient-ils ? Assez pour qu’Enid s’imagine tous les bonheurs et engagements possibles avec lui dès que les regards échangés s’étaient compris. Alors, oui, elle avait le droit de ne pas être comblée par cette soirée qui avait tourné au véritable fiasco dans son cœur et ses espoirs. Évidemment, lui se cachait derrière ces sourcils froncés, derrière ces bras croisés sur son torse. Sacré Isak.

Déçue mais pas surprise, Enid avait envie de s’en aller de cette fichue cabane. Assez de ces silences et de cette distance. C’était tout ce qu’elle méritait ? Qu’il s’éloigne, baisse le regard et ne lui adresse pas la parole ? Oh, elle le savait taciturne, son grand ours, mais son cœur se serrait à chaque fois qu’il se comportait de la sorte avec elle. Pourtant, la petite blonde préférait presque cette attitude à la maladresse dont il faisait preuve dès qu’il tentait de s’expliquer. Parce que, ce soir, Enid n’était pas capable de se mettre à sa place et de comprendre son trouble. Il ne niait pas. Ne disait pas qu’elle avait tort. Ne s’approchait pas d’elle, pour tenter de la persuader que, non, ce n’était pas ce qu’elle pensait. Que, non, il n’y avait pas d’invité ici ou ailleurs. Qu’ils s’étaient juste mal compris. Qu’ils avaient juste mal ou pas assez communiqué ? A la place, elle avait droit à des questions bidon qui ne faisaient que l’agacer. « Tu crois que je m’amuserais à le dire si je ne le pensais pas ? que j’inventerais des choses pour… ? pour... je sais même pas pourquoi ! » Peut-être pour nourrir le mythe de la femme hystérique qui n’avait pas le droit de s’enflammer quand on la bafouait ? D’accord, elle exagérait, mais elle ne pouvait se détacher d’une triste expérience qui lui revenait en plein visage à chaque dispute. « Pourquoi, toi, t’as rien dit à papy ? Ça te gêne tant que ça que j’apporte mes affaires ici ? » Avec un peu de chance, il comprendrait. Il comprendrait qu’il avait été blessant en balayant d’un revers la remarque de papy, en réagissant comme il l’avait fait et, pire, en le taxant de vieux jeu. Sauf qu’il avait affaire à une femme aussi moderne que vieux jeu. Déroutant, certes, mais le brun ne pouvait pas prétendre ne pas le savoir.

Malheureusement, la peine et l’amertume qui se dégageaient de son discours n’empêchaient pas la jeune femme de parler. Toujours, et encore. Impossible pour l’homme de se défendre tant il était acculé. Le regard toujours fixé dans le sien, voilà qu’elle creusait le sujet un peu plus pour arriver au cœur du problème. Ses insécurités. Ses rêves brisés. Ses échecs. « C’est vraiment trop vieux jeu de vouloir habiter avec toi ? De vouloir m’engager ou... ? » Encore plus. Difficile de formuler le fond de sa pensée sans fondre en larmes, sans prendre le risque de recevoir un refus. Net et catégorique. « C’est vraiment trop vieux jeu de vouloir être plus que la petite-amie qui squatte chez son copain comme une ado ? ou la docile et souriante petite blonde qu’on trimballe à ses réceptions et dîners avec le patron ? » Regard baissé immédiatement. Bêtise. Grosse connerie, même. Merde, elle avait Isak Arnesen en face d’elle, pas son ex-mari. Difficile cependant de ne pas prendre appui sur cette terrible erreur qu’était ce mariage. Seule véritable référence amoureuse de sa vie. Difficile de retenir cette larme qui perlait sur sa joue, signe d’une douleur incommensurable. La voix brisée, Enid se laissait emportée par le flot des émotions. Trop puissant. Comme toutes ces fois face au miroir et à son ventre désespérément plat. « De toute façon, Enid, elle est trop gentille, elle dira rien. Mais j’en ai marre de rien dire ! J’ai trente-deux ans et... » Puis elle referma ses bras sur son bas ventre, s’accrochant à ses vêtements pour mieux se renfermer sur elle-même et fondit en larmes.

Spoiler:

Surpris et blessé mais la voix aussi douce et neutre qu’il le peut. Essayer de comprendre avant tout, laisser l’espace à Enid de s’exprimer et de partager ce qui semble lui peser sur le cœur depuis trop longtemps. Voilà ce qu’il tente de faire. Pourtant, avant même que ses mots aient atteints la blonde, une drôle d’atmosphère s’abat sur la pièce. Chape de plomb qui vient comprimer ses côtes, assaille le myocarde dans sa cage thoracique, soudainement trop à l’étroit. Comme essayer de retenir les minutes lors d’un coucher de soleil qui s’échappe sous ses yeux, comme essayer de retenir des grains de sables blancs qui glisseraient entre ses doigts impuissants. Impossible. Tout lui échappe et tout dérape. Bien trop vite. Beaucoup trop vite. La blonde n’attend pas une seconde pour reprendre la balle à la voilée et tirer un peu plus fort, à bout portant. Lui qui cherchait à arrondir les angles, faire un pas non littéralement mais figuré pour laisser la place aux doutes et aux peurs de sa compagne encaisse le coup en silence, les yeux ancrés sur Enid.

Pourquoi n'avoir rien dit ? Pourquoi s'être contenté d'un demi-sourire et d'avoir attendu que le sujet soit balayé de la tablée comme une volée d'assiettes sales après un festin ? Pourquoi croire, presque naïvement, que cette remarque de la part du grand-père d'Enid n'aurait aucune répercussion ? Le trouble dans sa voix lorsque lui s'était démêlé avec ses sentiments encore trempé par la pluie diluvienne. La peur dans son regard, de voir avec ce regard neuf ce qu'elle avait toujours considéré comme une forte amitié se transformer en quelque chose qui pourrait lui échapper et la décevoir. Les prémices d'une réponse qui se forme dans l'esprit du pécheur. Vraiment Isak ? Vraiment ? Rien que ça ? Les mots de la blonde le paralysent sur place. Il ne sait plus quoi dire, quoi penser. Le voilà tel un renard, prisonnier des phares d'une voiture en pleine nuit noire. Coup de projecteur sur lui, ses émotions et ses sentiments qu'il s'est toujours empressé de taire et de dissimuler, parfait illusionniste. Au bout du tunnel une lumière éclatante qui lui brûle les yeux et se révèle sournoisement à lui. Vraiment Isak ? Vraiment ? Ne serait-ce pas la faute aux propres peurs ? Aux propres doutes ?

La perte. Cette terrible épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête, menaçant ce bonheur furtif, illusoire. Cette terrible amie, ce vieux fantôme qui le hante et vient années après années cueillir ses proches, les uns après les autres. Voilà le fond du problème. Une partie du problème. Lui qui pensait presque avoir passé ce stade est brutalement propulsé dix cases en arrière. Un pas en avant, trois en arrière. Amertume. Lassitude. Ses propres peurs projetées sur la blonde. Terriblement injuste.

« C’est pas ça. Tu sais très bien que c’est pas ça. » Sa main vient pincer l’arrête de son nez, il ferme les yeux pour quelques instants. Voix laconique alors qu’un flot d’émotion se déchaîne dans son esprit, dans son corps. Sous les nuages, la tempête. Tout en essayant de faire le point dans sa propre tête, il lui semble important de montrer qu’il n’accepte pas les paroles d’Enid. Parce que ça n’a jamais été ça, même si, à l’entendre elle, il a misérablement échoué au moment de le montrer. Ce n’est pas ça. Ses affaires, son rire, ses théories complexes et qui sonnent étrangères aux oreilles du marin lorsqu’elle évoque les astres et les cristaux, cette vulnérabilité déconcertante mais ô combien touchante. Cette sincérité parfois blessante mais souvent nécessaire. Ses cheveux blonds dans la douche, sa tasse de chocolat chaud de la veille, abandonnée sur le comptoir de la cuisine. Ses rires enjoués lorsqu’elle tresse les cheveux d’Edda. La stabilité qu’elle lui apporte, ce sentiment de sécurité, de plénitude. Ses affaires, sa décoration. Ses habits qui déborderaient du placard jusqu’à envahir son propre espace personnel. Il veut tout d’elle. Trop. Ouvrir son cœur, lui offrir les clés de la cabane. Ces étapes n’avaient pas été des choses aisées pour le marin mais, à ses yeux, ses étapes s’étaient révélées être des invitations, des déclarations. Témoignage de son amour, de son affection. Preuve qu’il est capable d’aller doucement, exactement comme elle l’avait demandé à leurs débuts. Car si lui possède ses propres fantômes, il sait qu’il en est pareil pour la blonde. Un cœur abimé, les souvenirs d’un mariage ayant fait naufrage, son cœur au fond de l’océan, chaloupé par la houle. Comme un écho à ses propres réflexions la voix d’Enid enchaîne : « C’est vraiment trop vieux jeu de vouloir être plus que la petite-amie qui squatte chez son copain comme une ado ? ou la docile et souriante petite blonde qu’on trimballe à ses réceptions et dîners avec le patron ? » Laissant retomber mollement son bras le long de son corps, Isak rouvre les yeux, surpris et blessé par ce commentaire. Alors qu’il s’apprête à ouvrir à bouche pour essayer de désamorcer la bombe, la blonde enchaîne. « De toute façon, Enid, elle est trop gentille, elle dira rien. Mais j’en ai marre de rien dire ! J’ai trente-deux ans et... » Une perle salée qui roule sur sa joue. Une deuxième et la voilà qui s’écroule, s’accrochant désespérément à ses habits, à quelques secondes de la noyade.

La douleur de ses mots, de cette terrible vision qu'elle dessine de lui. Ses propres peurs, ses propres tords, ses propres erreurs et celles de la blonde. La phrase qui s'était construite dans son cerveau pour essayer d'articuler le fond de sa pensée, presque au bord de la rupture après tant d'émotions, de reproches et d'autoréalisation. Tout ça vole en éclat à l'instant où la vérité brulante, ou la détresse d'Enid lui éclate au visage. Les tranchées creusées, les barbelés installés dans ce début de champ de bataille, l'espace réduit en deux enjambées. Plus brusquement qu'il ne l'aurait voulu, Isak s'approche d'Enid, l'enserre de ses bras. Un rempart protecteur. Une muraille qu'il érige entre elle et le reste du monde, rien qu'un instant. Pas un mot, il la laisse sortir ce qu'elle doit sortir. Attend que l'orage passe, se contentant d'être là pour elle, son front appuyé sur le crâne de la blonde. Après ce qui lui semble être des heures, il ose enfin prononcer un mot. « Viens t'asseoir. » Plus une invitation qu'un ordre. A contrecœur, il se détache d'elle, la guide jusqu'à une chaise de la cuisine et s'installe à son tour. Il aurait préféré ne jamais rompre l'étreinte. Se contenter de caresser les cheveux de la blonde, de repousser la tristesse. Mais voulait-elle seulement de ça ? De lui ? De ce contact ? « Regarde-moi Enid, s'il te plaît. Je… » Inspiration. Expiration. La main qui se passe nerveusement dans ses boucles brunes alors qu'il se penche sur la table et plonge son regard dans celui de la jeune femme. « J'ai jamais été très doué pour parler. Tu le sais, je le sais mais… j'ai besoin de partager ce que je pense et je pense aussi que tu as besoin et le droit de l'entendre. » On y est champion. Alors que les mots s'emmêlent, le marin se maudit-lui-même. Pourquoi doit-il devoir toujours se retrouver face au mur, face au précipice pour faire ce terrible pas dans le vide ? Il sait qu'Enid mérite mieux. Plus d'ouverture, plus de sincérité alors il rassemble son courage et se lance. « J'aimerai te laisser le temps de sécher tes larmes, j'aimerai qu'on oublie ce qui vient de se passer, je veux surtout pas donner l'impression d'être brusque ou que ce que je viens de voir et d'entendre ne m'a pas touché parce que putain Enid… Mais je crois qu'il faut qu'on parle maintenant. Ce que tu me lâches c'est trop gros pour que… que j'attende tu comprends ? » Il l'espère de tout cœur. « Je suis désolé si mes mots, mes actions te font penser ça. Ça n'a jamais été mon intention, loin de là je… » Incapable de rester en place, il se relève. « Je t'aime Enid. Et entendre que tu penses sincèrement de moi que tu n'es qu'une invitée ici, bonne qu'à faire la potiche dans ma vie que… que j'attends rien d'autre de toi ça me fait autant mal qu'à toi. Si c'est ça que tu vois quand tu me regardes je… j'ai fait tout de travers. » Une pause, pour reprendre ses esprits, pour empêcher à son cœur d'imploser. « Si j'ai rien dit à ton grand-père c'est parce que j'ai cru que tu prendrais peur. Je… je m'emballe quand je suis avec toi. Ça a toujours été comme ça et ça le sera toujours parce que ça a toujours été toi. Tu comprends pas c'que tu me fais tu… » S'approchant de la blonde, il s'immobilise devant elle, saisit sa main et la pose sur son cœur. « Tu sens comme mon cœur bat vite ? Tu… » Un rire nerveux lui échappe alors qu'il s'accroupie pour être à sa hauteur, une nouvelle main nerveuse vient décoiffer ses cheveux. « T'es pas mon invitée. Putain t'es tellement plus Enid. T'es la femme avec qui je veux construire ma vie. T'es celle avec qui je veux me réveiller chaque matin jusqu'à la fin, tu comprends ? Si tu veux que je mette un genou à terre maintenant pour te le prouver, là tout de suite, je le fais. Et je le referai demain, et après-demain. Et je refuse de te perdre parce que mes propres peurs m'empêchent de te le dire ou parce que tu penses que je vais te traiter comme Richard. Parce que oui j'ai peur, j'ai peur de te perdre, que la vie t'arrache à moi, qu'un jour tu te réveilles et que tu réalises que tu es en train de faire la plus grosse connerie de ta vie. J'ai peur que tu prennes peur, que tu penses que je te brusque, que tu t'imagines qu'avec moi… ce sera comme avec lui. Parce que jamais, jamais je te traiterai comme lui. Je suis désolé que tu aies pu penser une seule seconde ça de moi, de toi. Je sais que je dois faire mieux pour toi et pour nous et… Je vais faire mieux. » Soupire. « T'es pas mon invitée t'es la femme de ma vie. » Et maintenant ? Maintenant, le cœur battant, il attend. La confirmation qu'elle veuille bien de lui, sa vérité à elle qu'elle est parfaitement en droit d'exprimer et de laisser sortir exactement comme il vient de le faire.

never let me go @isak arnesen

Épuisée. Vidée. Sonnée. Le chagrin l’avait emporté dans cette bataille des doutes et espoirs. Les rêves semblaient balayés alors qu’une existence idéale s’était esquissée avec le grand brun depuis de longs mois. Que restait-il à présent ? Dans cette cuisine, qu’ils avaient retapé ensemble, si sombre et pesante soudainement ? Enid avait l’impression que le destin s’était donné un malin plaisir, une fois encore, à piétiner ses aspirations au bonheur. Au simple bonheur. Une belle et grande famille aimante. Une belle et grande famille dont elle serait la matriarche bienveillante et adorée. De cela, il ne restait que des images moitié effacées dans son esprit, dans son coeur pris de sanglots. Plus rien ne semblait avoir d’importance aux yeux de la jeune femme, ni même les conséquences de ses élucubrations sur son compagnon. Il n’y avait que l’expression de ce cœur fêlé qui cherchait à être contredit et rassuré. Il fut donc en partie satisfait alors qu’une emprise assurée mais attentionnée l’entoura. Au moins, il ne la détestait pas malgré les mots durs qu’elle avait eus. Au moins, il n’était pas parti se terrer dans son atelier en espérant que la situation se résolve seule. Cette crise, qui n’avait finalement rien à voir avec la remarque du grand-père, ils la régleraient ici et maintenant. Une fois que les larmes tariraient.

Accrochée au brun ou plutôt à ses vêtements qu’elle agrippait presque de peur de le voir filer de son étreinte désespérée, Enid était en proie plus que jamais au chagrin. Impossible de calmer le flot de larmes alors qu’à présent s’ajoutait à son mal-être la culpabilité d’avoir accusé Isak d’être le nouveau Richard de sa vie. Plein de belles promesses mais sans la moindre intention de s’y tenir. Depuis quand se comportait-il comme lui ? Jamais. Pourtant, la petite blonde ne parvenait pas à retrouver ses esprits, ni même à tarir ces larmes. La séparation fut alors déchirante, bien que nécessaire pour que les deux puissent réussir à se comprendre et à se rassurer mutuellement. Non, elle n’était pas sur le point de rejeter une relation épanouissante et heureuse. Non, elle n’était pas sur le point de lui dire qu’il n’était pas assez. Si seulement elle avait pu l’exprimer, au lieu de laisser son coeur s’enflammer sans raison apparente. Incapable de réagir, elle se laissa donc guider vers une chaise où s’installer relativement tranquillement. Un sanglot la paralysant de temps à autre, tandis qu’elle attendait le verdict du grand brun. Si grand qu’il en devenait impressionnant pour ce petit bout de femme s’imaginant qu’elle avait franchi une ligne quasi impardonnable en l’accusant.

Enid eut bien du mal à maintenir son regard sur lui, d’autant qu’il avait l’air grave et continuait en exprimant l’aspect blessant de ses complaintes. Il fallut même qu’elle se retienne de protester entre deux sanglots, de peur de faire encore plus de dégâts en laissant sortir un discours affolé et incohérent. Et toujours plus blessant. Il avait raison. Elle était blessante, à toujours voir les extrêmes ainsi. Elle l’avait blessé, et lui avait totalement le droit de lui faire la morale, si c’était ce qu’il souhaitait. A le voir s’approcher, c’était exactement ce qu’Enid s’imaginait. Stop aux extrapolations. Retour fracassant à la réalité. Dispute. Incompréhension. Qu’elle ne fut pas sa surprise, donc, lorsqu’elle l’entendit et le vit avec tant de bienveillance. Définitivement, elle avait eu tort de le comparer, ne serait-ce qu’une seconde, à ce pauvre type de Richard. Elle le fixait, la main sur lui comme demandé, alors qu’il exprimait tout ce dont elle pouvait rêver, et bien plus encore. Attentive à chacun de ses mots, la jeune femme n’était presque plus sujette aux sanglots. Quelques larmes coulaient, encore, mais celles-ci relevaient davantage d’une confusion entre l’extrême chagrin, la culpabilité d’avoir gâché la soirée avec ses états d’âme blessants et le soulagement. Il y avait tant à dire, à répondre à cette tirade amoureuse. Mais par quoi commencer ? Lui demander s’il venait vraiment de faire une demande en mariage ? Non. Non. Elle n’y pensa même pas, et se laisser guider par son coeur. Encore empli de chagrin. « Non, c’est pas ce que je pense. » Il n’était pas comme lui. Il n’était pas une déception. Il était tellement plus, un million de choses en plus qui n’étaient toutes que positives. Le regard fixé dans le sien, embué de quelques larmes incessantes. « Je sais pas ce que je pense. » Et c’était là tout le problème. Trop de pensées s’entremêlaient dans son esprit. Son amour pour lui. Sa peur d’être rejetée, pas assez aimée. Parce qu’Enid, elle avait conscience d’être très exigeante, de donner énormément – parfois trop, un brin envahissante – et d’exiger un équilibre pour se sentir comblée. « Je... » Capable de gérer ses émotions plus jeune, la trentenaire avait à présent du mal à faire la part des choses. Le divorce ayant brisé sa capacité à se faire confiance, mais surtout à faire conscience à l’autre. En son honnêteté. Son attention. Ses petits mots. Ses petits gestes. Comme s’il fallait toujours un contre-coup à toute gentillesse qu’on lui offrait, par intérêt encore non élucidé. Non. Tous les hommes n’étaient pas Richard, et heureusement. Elle plongea donc dans ses bras, manquant au passage de le faire tomber.Mais ces minutes sans lui étaient déjà de trop. « J’ai peur que tu changes d’avis sur moi, que je sois pas aussi bien que tu espérais. » Parce qu’il l’avait rêvée, cette relation. Depuis des semaines, de ce qu’elle avait compris. Peut-être plus ? Plus longtemps qu’elle, quoi qu’il en soit, puisqu’elle avait découvert l’entièreté de ses sentiments le soir-même de leur rapprochement. Pleurant à nouveau dans ses bras, elle se décida à dévoiler une partie des blessures qui l’avaient menée jusqu’à cet instant. « Il me disait toujours que j’étais idiote. Que je méritais pas d’avoir d’enfant. » Sanglot ravalé. Sans un regard, de peur d’y voir quelque chose de déplaisant alors qu’elle poserait la question qui pesait lourd dans son cœur depuis des mois déjà. « Tu voudras bien un enfant avec moi ? » Ainsi, il aurait toutes les réponses à ses questions. La brusquer ? La perdre ? Jamais de la vie. « Je veux plus qu’on aille lentement, moi je veux tout avec toi. Je veux qu’on soit une famille. Une famille à nous. » Qu’elle réclamait presque, enlacée contre lui dans l’espoir de ne plus jamais avoir à se détacher de lui. « Je veux être ta famille. Que tu sois ma famille. » Comme une rengaine qu’elle répétait pour le convaincre. Ou parce qu’elle n’avait plus rien d’autre en tête. Une famille. Tous les deux. Tous les trois, plutôt. Une famille qui s’aimerait pour toute la vie, et même celles d’après. Comme sa grand-mère lui avait promis qu’elle trouverait. Avec celui qui avait toujours été à ses côtés. Isak.